Stage adultes au Destel ou l’art de passer entre les gouttes

« La vie ce n’est pas attendre que les orages passent, c’est apprendre comment danser sous la pluie. »

Sénèque

Le week-end de l’Ascension est depuis longtemps le moment où le club organise son stage grandes voies avec les adultes les plus motivés. Cette année, après avoir longtemps hésité avec le Vercors, mon dévolu s’est jeté sur le Destel, juste à côté de Toulon. Tout plein d’avantages à cette destination : ce n’est pas loin, les voies sont récentes, le topo super clair, les orientations variées, et surtout, surtout, il fait toujours beau à Toulon… Toulon, la ville la plus ensoleillée de France !

J’avais d’ailleurs plus peur de la chaleur qu’autre chose mais on avait survécu au rocher St Julien, à Orpierre… j’avais confiance. Après une organisation rondement menée, le camping réservé et la date approchant, les prévisions météo me font m’inquiéter un peu. Puis beaucoup. Elles sont incertaines, mais quelques jours avant, on savait déjà qu’on n’allait pas trop bronzer sur les parois. A tel point que l’avant-veille, j’envoie un message au groupe pour sonder le degré de motivation et voir si ce n’est pas plus sage d’annuler. J’ai vite compris que non, ce n’était pas une option ! Les 12 inscrits étaient partants à 200%. Alors feu !

Jour 1 : Coudon

On décolle donc de Cagnes-sur-Mer le jeudi matin. La pluie nous accompagne sur le trajet et on n’est pas très optimistes dès notre arrivée au camping. On monte le camp, on enfonce des sardines au marteau, on mange tranquillement, on profite de la gentillesse de Jade, notre voisine de 6 ans qui nous offre une partie de son gâteau d’anniversaire et on prend la décision que pour la première demi-journée, on ira au Coudon où quelques petites grandes voies de 3 ou 4 longueurs nous attendent sur un beau caillou gris. Marche d’approche courte, retraite facile en cas de pluie, c’est parfait.

La troupe se déplace donc jusqu’au secteur et descend jusqu’au pied de falaise par une via corda qui met déjà dans l’ambiance. On avait plus ou moins prévu les cordées au camping, principalement des cordées de deux afin de maniper un max. Comme on est trois à encadrer (Seb, Yannick mon stagiaire DE et moi), ça s’y prête bien. Sandrine et Phil sont les premiers à partir dans « Petit bras », 3 longueurs en 5c max. Je décolle rapidement avec Brice et Jean-Luc dans « Bains publics », 3 longueurs en 5b max. A côté, Yannick s’occupe de Xavier et Djé dans « Colle qui peut », 3 longueurs en 5c max, Seb gère Saliha, pour qui c’est la première sortie falaise de sa vie (!) avec Alexis dans « Le chêne »,  3 longueurs en 5b max. Tout à droite, Cécile dirige la cordée avec Sandra et Laura dans « La Zuma », 3 longueurs en 5c max.

Le temps se maintient à peu près malgré quelques gouttes de temps en temps. Ma cordée est la première à parvenir au sommet et on prend la décision de redescendre en rappels pour faire une seconde voie, bientôt suivis par l’ensemble des cordées. C’est parfait, ça fait pratiquer. Seule Saliha décide de rentrer tranquillement par la marche retour, déjà bien éprouvée par cette première expérience. Jean-Luc et Brice suivent les traces de Philippe et Sandrine dans « Petits bras » tandis que ces derniers prennent « Bains publics » à l’assaut avec Yannick. Pour ma part, je m’engage dans « Saint Maclou », 2L 5c max avec Laura. Seb choisit la ligne qui nous croise, « Colle qui peut », avec Sandra qui part en tête dans la L1 et Cécile. Les trois gars restants, Alexis, Xav et Djé vont s’aventurer dans « la Zuma ».

Il est bien tard quand la dernière cordée arrive au sommet. Certains ont déjà fait le voyage jusqu’au camping pour profiter d’une douche bien méritée. La météo a tenu, c’est déjà bien. Aucun incident majeur pour cette première journée, juste la rencontre avec une couleuvre pour Phil et Sandrine.

A part Saliha qui est une grande débutante, tout le monde a déjà au moins un peu d’expérience en grandes voies.  Certains ont déjà fait plusieurs stages, d’autres ont suivi le cycle grandes voies cette année et se sont forgé pas mal des connaissances nécessaires à l’autonomie. Avec trois encadrants, on est en totale confiance.

Pour cette première soirée au camping, c’est le classique spaghetti bolo ! Certains préparent le repas, d’autres lisent le topo et nous, nous avons les yeux rivés sur la météo. Inutile de faire de grands plans, tout est trop incertain, on verra le lendemain.

Jour 2 : Destel

On se réveille sous un temps maussade. Les radars météo nous annoncent que ça va être compliqué le matin. Après délibération et plutôt que d’attendre sans rien faire au camping, on décide d’aller faire de la couenne (comprenez des voies d’une seule longueur) sur un secteur proche de la route dans les gorges d’Ollioules. On se fait cueillir par la pluie dès notre arrivée. Seb monte au premier secteur « Multiplex » et nous annonce que ça passe, c’est un peu abrité. Un peu, en effet. On se retrouve donc à installer des moulinettes sur un caillou blanc et plein de salpêtre, à quelques mètres au dessus de la route. Autant dire que je ne suis pas emballé. Mais bon, ça n’arrête pas nos vaillants grimpeurs qui s’acharnent dans des voies plus ou moins humides jusqu’au 6b. Au bout d’un moment, je propose au groupe de s’entraîner à faire quelques manips : conversion et remontée sur corde ! Pas si facile, mais tout le monde se prête au jeu et nous, au sol, on rigole bien.

Comme on était persuadé de ne pas rester trop longtemps, on avait laissé les sandwichs au camping. Au final, le temps semble s’améliorer alors Philippe et Jean-Luc font l’aller-retour tandis qu’on se déplace vers un autre secteur tout proche en bas du Destel : Béato.
On mange dans le lit du Destel, la pluie revient avec quelques gouttes puis semble nous laisser un bon créneau. Une nouvelle prise de décision s’impose : 2 grandes voies nous lorgnent juste au dessus, « les Temps modernes », 4L 5c+ max et « Kangourou express », 3L 5c+ max. Nos grimpeurs sont à fond, malgré la fatigue de la matinée. Je pars dans « les Temps Modernes » avec Sandrine, suivis de Phil et Xav. Yannick gère l’autre voie en cordée avec Cécile et Brice, suivis d’Alexis et Laura.
Seb restera à faire des couennes avec Djé, Saliha et Sandra. Et c’est au son des cris de Djé en prise avec un 6c+ costaud que nous faisons l’ascension de nos voies, somme toute très sympas. On aura même le droit à quelques rayons de soleil ! Certains comme Xav et Laura commencent à prendre la confiance en partant en tête dans les 5c. Au sommet, on hésite entre descendre à pied ou le rappel. Finalement, le rappel l’emporte. 50m sur corde, c’est plus facile, même si un peu plus long. Et puis ça fait encore travailler les manips.

Retour sur le plancher des vaches, on retrouve Seb et son groupe à la voiture pour le retour au camping. Jean-Luc, assisté par ses commis, s’active pour nous préparer son célèbre colombo tandis que Djé nous réjouit d’un peu de guitare alors que certains se motivent pour un plouf dans la piscine chauffée.  C’est le soir où Camille nous rejoint, prise par le boulot jusqu’à maintenant. On espère qu’elle nous apporte une météo clémente en plus de son radieux sourire…

Jour 3 : Cimaï

Les matins se suivent et se ressemblent… grave. Petite pluie, accalmies, doutes et décisions difficiles. On avait pourtant bien préparé nos itinéraires et cordées la veille, mais il s’avère une fois de plus trop risqué de partir dans des grandes voies d’ampleur. Seb nous dit qu’au Cimaï, il doit y avoir un secteur qui ne prend pas trop la pluie. On tente le coup, parce que pour rien au monde je ne retrournerai au Multiplex ! Arrivés sur place, Seb fait la visite touristique, lui qui connaît bien cette célèbre falaise. Moi, je m’occupe de regarder s’il y a des grandes voies qui marchent. Ca a l’air pas si mal : la première longueur de « Philomène » est à l’abri et Cécile en profite pour partir dedans avec Alexis et Yannick, qui continueront encore 2 longueurs au dessus dans « Impromptu », 6b max. Seb suit la cordée avec Saliha et Jean-Luc, mais feront les deux longueurs suivantes de la « Jean Bert » pour une voie en 5a max.

De mon côté, j’embarque le reste de la troupe en direction d’une grotte percée suspendue bien à l’abri. Phil et Brice s’y rendent par Bound, 5a qui tape fort, suivis par Camille, Sandra et Xav. Djé, Laura et Sandrine choisissent l’option facile par « Contact » en 4. Une fois le mini rappel pour redescendre dans la grotte effectué, 3 lignes s’offrent à nous. Brice part dans « Intérieur jour », 5c rigolo. Sandra choisit « Golfe d’ombre » en 4a et Djé « la Dédé » en 4a également. C’est assez incroyable de trouver des longueurs faciles dans cet endroit qu’il est difficile de décrire. C’est un long et large boyau percé par le haut.

A la sortie de la grotte, Brice continue par mégarde dans le 5c « Focolara », Xav « la Dédé » en 4c et Djé poursuit dans « La quête du saint spit » en 4c également. On se retrouve tous à l’étage du dessus, certains devant passer de nouveau dans un boyau horizontal pour arriver au pied des longueurs sommitales. Phil m’envoie dans « Grosse pintade technique » en 6a, Djé termine par le 5c « A capella » et Camille dans « Gésualdo » en 5b. De là, on hésite sur la descente mais j’ai envie de repasser par les grottes alors chaque cordée descend à l’étage pour retraverser le boyau horizontal, faire un rappel jusqu’au sommet de la grotte et descendre dedans jusqu’au sol.

Le temps d’organiser toutes ces manips, on croise Seb, Saliha et Jean-Luc qui ont terminé leur première voie et viennent eux aussi visiter la grotte. Quand notre groupe est au sol pour manger un bout, on aperçoit Cécile, Alexis et Yannick dans le haut de « L’étroit chamelier », 6b max. La pause est fatale pour certains et Phil, Sandrine, Sandra et Djé décident d’aller faire une petite visite au charmant village d’Evenos, juste en face du Cimaï, qui surplombe les gorges du Destel.

Avec les autres, on décide de repartir où Seb et Yannick étaient le matin. Xav s’attaque à la L1 de la Jean Bert, avec sa dalle mouillée en 4b. Laura opte pour la Philomène et continue dans la Jean Bert avec Brice, tandis que je continue avec Xav et Camille dans la Philomène au caillou douteux et aux cotations qui laissent dubitatif… Camille enquille le 5b pas facile et un brin péteux avant de se retrouver face à une renfougne peu inspirante. Le topo n’est pas clair et elle continue tant bien que mal pour sortir dans une petite niche pour faire le relais. Derrière, je mule pas mal pour sortir ce passage en chaussures et Xav y laisse toute son énergie. On aperçoit sur notre gauche Laura, bien concentrée dans son méga rappel de 50m, réceptionnée par Seb tout en bas. Je passe devant pour la dernière longueur en 5c, bien plus facile mais bien engagée. Seule Camille me rejoint, Xav préférant nous attendre plus bas. Il était tellement usé qu’il en a laissé 2 dégaines dans la voie sans s’en rendre compte !
Plus tard,  dans la voiture, on lira les commentaires sur Camp to Camp avec Camille pour lire que la renfougne est plutôt 6b… On valide !

Après cette longue journée, on se retrouve tous au camping pour une soirée guitare et fous rires. L’ambiance est au top et Seb nous gratifie de quelques accords en duo avec Djé. C’est une belle soirée où chacun y va de ses anecdotes du jour et de ses ressentis. Tout le monde semble heureux d’être là et moi, ça me touche assez profondément. On travaille si fort au club pour arriver à ces quelques instants où tout prend sens…

Mais les bonnes choses ont une fin et la fatigue est là pour tout le monde. On se dit à demain, en espérant que la météo soit un peu meilleure pour le dernier jour.

Jour 4 : retour au bercail

Peine perdue ! Il pleut une bonne partie de la nuit, et on se réveille au milieu des flaques. Certaines tentes ont pris l’eau et on doit plier sous la pluie. La décision est prise de retourner vers l’est, vers le Blavet où l’après-midi semble un peu plus prometteur. On arrive à la Bouverie et la pluie finit par cesser. Du parking, on voit les falaises détrempées. Cette fois, ça ne fonctionnera pas. On mange sur les tables de pique-nique, un dernier café et c’est le retour sur Cagnes.

Fin abrupte qui laisse un petit goût d’inachevé mais inévitable. On pourra dire qu’on aura eu pas mal de chance dans notre malchance. 4 jours de pluie, mais 3 jours d’activité tout de même. On regrettera de n’avoir pas vraiment vu le Destel au final, mais on a découvert quelques coins sympas et on sait déjà qu’on y reviendra. Et puis on le sait, l’escalade, au final, n’est qu’un prétexte à passer du temps ensemble, à construire les liens de confiance forts qu’exigent notre activité. Et pour ça, on aura été servi. Pour ma part, le groupe m’a conquis et comme dirait Xav quand il a bu : avec eux j’irais au bout du monde !

2 réflexions sur « Stage adultes au Destel ou l’art de passer entre les gouttes »

  1. Un des plus beau stage que j’ai fait. Pas forcément pour la grimpe et le côté aérien mais pour le partage et la ténacité. On n’a rien lâché malgré le temps ! C’est un beau mantra pour nous, grimpeurs : « Ne rien lâcher ! ».
    Merci d’avoir réussi à organiser ces moments incroyables et RdV pour de prochaines aventures !!

    djé

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